Les villes de France en chemin vers le zéro phyto
30 mars 2015 / Lorène Lavocat (Reporterre)
Bonne nouvelle, nos villes et villages devront se passer de pesticides d’ici à 2016. Mais plusieurs collectivités se sont déjà lancées dans l’aventure… et démontrent que les produits phytosanitaires ne sont pas nécessaires.
– Versailles, reportage
A première vue, aucune différence : les abords de la gare de Versailles n’ont rien d’exceptionnel. Pourtant, la ville de Louis XIV figure parmi les pionnières du Zéro-phyto. Le paradis des abeilles ressemble donc à cela ?
Après quelques instants d’observation, les intrus se révèlent. Le long des trottoirs, de la mousse, des herbes folles et des pousses de pissenlit se faufilent à travers le béton. Plus loin, un agent des espaces verts examine les massifs armé d’une binette… plutôt que d’un pulvérisateur.
Malgré la grisaille hivernale, des narcisses déploient leurs pétales jaunes au milieu des avenues. Au pied des arbres ou autour des massifs, copeaux de bois et broyat végétal recouvrent la terre, freinant ainsi la croissance des plantes invasives et l’évaporation.
Depuis 2005, la ville de 90 000 habitants a peu à peu banni les produits phytosanitaires des parcs, des routes, des voiries puis des cimetières. Une ambition portée par Cathy Biass-Morin, l’énergique directrice des espaces verts. « Dans les années 2000, trois agents ont été gravement brûlés suite à l’explosion d’une cuve de produits chimiques », raconte-t-elle. « Ça a été le déclic, on ne pouvait plus continuer ainsi. »
Cathy Biass-Morin
Ingénieure horticole de formation, elle se rend à Rennes, où des expérimentations sont en cours, rencontre des jardiniers bio, puis se charge de convaincre les élus. « Nous ne voulions pas de cancers, et la municipalité nous a fait confiance. »
Impliquer les jardiniers
« Le plus difficile, mais aussi le plus important, c’est de changer les habitudes des jardiniers », observe Cathy Biass-Morin. « Pendant des années, ils ont travaillé avec des pesticides, ils ont appris à désherber à coup de Round Up. » Pour les persuader, elle organise des formations sur mesure : gestion écologique, plantes vivaces.
Les agents sont aujourd’hui entièrement impliqués dans le processus : devenus « éco jardiniers », ils proposent des compositions végétales ou florales, et prennent part aux réflexions de la municipalité. « Tout le monde a peur du changement, il faut montrer que d’autres manières de faire existent. »
Car les alternatives aux herbicides sont légion. Binette, brûleur thermique, tondeuse à gazon. Mais il s’agit surtout d’une réflexion globale. « Il faut gérer différemment les espaces verts, et réfléchir dès la conception des parcs », explique Cathy Biass-Morin. Préférer les vivaces aux plantes annuelles, plus résistantes. Passer du désherbage à la gestion de l’herbe.
« En fonction des lieux, des usages, il n’est pas nécessaire de tondre tout, tout le temps », précise Caroline Gutleben, de l’association Plante et cité. « On peut laisser certains espaces en friche, en prairie fleurie. »
A Courdimanche, dans le Val d’Oise, moutons et chèvres assistent les jardiniers dans le débroussaillage. Pour le plus grand bonheur des enfants, sensibilisés dès la crèche aux questions de biodiversité. « Nous avons mis en place des jardins aromatiques et des potagers dans les écoles », raconte Sylvette Amestoy, adjointe au maire écologiste.
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